Chronique sur la présence de Fénelon à l'Académie française.
Le 24 avril 2014
François CHABANON
Le 34e fauteuil, ou une chronique sur la présence de Fénelon à l’Académie française
Du 7 mars 1693 au 7 janvier 1715
Élu le 7 mars 1693 pour succéder à Paul Pellisson, Fénelon semble avoir bénéficié d'un usage ou de la volonté du roi selon lequel les précepteurs des enfants royaux devenaient académiciens. Avant lui Bossuet, précepteur du dauphin avait aussi accédé à cette noble et jeune institution.
Trois raisons peuvent expliquer que le passage de Fénelon à l'Académie n'ait pas marqué particulièrement ses biographes et autres chroniqueurs qui ont parlé de lui :
- Son admission qui contrairement à certains de ses confrères ne semble pas avoir été contestée ni par ses pairs, ni par le roi,
- sa présence relativement éphémère à l'Académie du fait de son exil forcé à Cambrai,
- surtout, et avant même 1693, l'affaire du quiétisme qui commence à agiter la Cour et l'Église et qui occultera sensiblement les autres aspects de la vie, de la personne et de l'œuvre de Fénelon.
1 - L’Académie française dans la seconde moitié du 17e siècle
L'Académie a, tout juste, 35 ans, lorsqu'éclate la querelle des anciens et des modernes. Elle est alors composée de noms illustres : Boileau, Racine, La Fontaine ; mais on y voit aussi des personnages plus ternes, issus d'élections de convenances, des courtisans, incapables de revendiquer une œuvre. La moyenne d'âge lors de l'élection est très jeune, certains y entrent à 24 ans.
La querelle des anciens et des modernes opposait ceux qui croyaient à l'universalité de la langue française - les modernes - et ceux pour lesquels seules les langues mortes étaient de nature à immortaliser la gloire du roi.
Fénelon, admis en 1693 ne connaîtra que la seconde phase de la querelle. Sans doute en raison de sa grande culture de l'Antiquité, il se sentira plus proche des anciens mais il restera prudent et se montrera novateur : « ...ma conclusion - dira-t-il - est qu'on ne peut trop louer les modernes qui font de grands efforts pour surpasser les anciens. Une si noble émulation promet beaucoup. ».
Qui Fénelon rencontra-t-il lors de son élection ?
Si les dames doivent encore attendre 287 ans, il y a beaucoup d'ecclésiastiques, quelques militaires et diplomates et des écrivains de talent. Ainsi, en plus de ceux cités, La Bruyère rejoindra la compagnie quelques semaines après Fénelon.
2 – Fénelon à l’Académie
Paul Pélisson, titulaire du fauteuil 34, meurt le 7 février 1693. Un mois plus tard, Fénelon est élu confortablement et reçoit l'agrément royal alors que son œuvre littéraire est surtout religieuse et se borne au : « Traité de l'éducation des filles » et au « Ministère des pasteurs ».
Fénelon est reçu officiellement le 31 mars. Comme c'est l'usage, il cite élogieusement son prédécesseur, mais la coutume veut aussi que le récipiendaire se livre à l'éloge du roi. Fénelon n'y manque pas.
II est reçu par Jean-Louis Bergeret : « ...le plus grand honneur que l'Académie pouvait lui faire après tant de réputation qu'il s'est acquise (Pélisson) c'était, Monsieur de vous nommer pour être son successeur et faire connaître au public que pour bien remplir la place d'un académicien tel que lui, elle a jugé qu'il en fallait un comme vous ».
Les comptes-rendus de séance à cette époque sont assez sommaires mais on y apprend que Fénelon est assidu aux séances et y exerce même à trois reprises les fonctions de directeur avant son exil définitif à Cambrai. Il ne semble pas qu'il ait lui-même reçu ou parrainé quelqu'un.
Plus tard, en 1714, à la demande de Dacier, secrétaire perpétuel, il rédigera un essai intitulé « Lettre sur les occupations de l'Académie française » qui ne sera publié qu'après sa mort. Il y exprime ses idées très novatrices sur la grammaire, la poétique, le théâtre, les moyens d'enrichir la langue ; sur ce thème on lit notamment : « ...J'entends dire que les anglois ne se refusent aucun des mots qui leur sont commodes ; ils les prennent partout chez leurs voisins ; de telles usurpations sont permises ; ils sont autant au peuple qui les emprunte qu'à celui qui les a prêtés ».
3 – L’Académie française après sa mort
L'Académie élit Claude Gros de Boze au 34e fauteuil, pour remplacer Fénelon, décédé à Cambrai le 7 janvier 1715. Cette admission constitue aussi le dernier agrément que Louis XIV donnera avant sa mort le 1er septembre. En guise de remerciement de Boze, dira : « N'avez-vous point encore à craindre que dans cette assemblée, il s'élève quelque voix hardie qui vous reproche le successeur que vous donnez à un académicien aussi distingué que l'était Monsieur l'Archevêque de Cambrai ? La Cour reconnut ses divers talents, le Prince confia l'éducation de ses petits-fils à celui qui avait si heureusement travaillé au salut de ses peuples ».
La Harpe, d'Alembert et combien d'autres contribueront à honorer aussi la mémoire de leur confrère à l'Académie au XVIIIe siècle. Suivis par le cardinal Bausset et Monseigneur de Quelen, archevêque de Paris, eux aussi membres de l'institution au XIXe siècle.
Page mise à jour le 13/10/2023 à 18h16
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