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Le lycée Paul Duez

Le 19 mai 2016

Le 23 juin 2016

Laurence Saydon

Histoire du lycée Paul Duez par Laurence Saydon, proviseure

Fondé en 1270 et situé près de la Tour d'Abancourt, il compte six élèves choisis parmi les familles pauvres les plus méritantes.

En 1550; il se situe près de la Porte de Selles et se nomme Majoris.

Absorbé en 1575 par le collège des jésuites de la rue des Ecoles, il compte dix professeurs.

Les jésuites chassés, il est dirigé par des représentants de l'archevêque, de la municipalité et de deux notables. A la révolution, il est devenu bien national.

En 1802, il s'installe dans les bâtiments de l'ancien hôpital Saint-Jean puis à l'abbaye de Cantimpré achetée par la municipalité.

En 1901, il est transféré Boulevard Paul Bezin.

Fortement endommagé pendant les deux guerres, il est continuellement agrandi et figure parmi les plus importants lycées de France en nombre d'élèves.

Le lycée Paul Duez (1/2)

C'est par un soir d'orage que Laurence Saydon nous a parlé d'un sujet qui lui tient à cœur : le lycée Paul Duez, qu'elle dirige. Pendant qu'elle s'exprimait, je décelais dans les yeux de certains de mes collègues, de petites étincelles, qui n'avaient rien à voir avec les foudres extérieures, mais qui naissent à chaque fois qu'on évoque, devant d’anciens potaches, leur cher et vieux bahut. Un vieux bahut, en effet, dont Madame la Proviseur (du latin « provisor » : qui pourvoit) s'applique à nous conter l'histoire, depuis son origine en 1270. Il s'appelle alors « collège » et s'établit à l'ombre de la tour d'Abancourt. Il accueille six potaches que l'on nomme « capets ou bons enfants » et qui sont choisis parmi les pauvres les plus méritants de la ville.

C'est à cet endroit de ma rédaction et à mon grand désappointement que je m'aperçois que le résumé de votre communication a déjà été rédigé dans les Mémoires de Cambrai. Par une sorte de prémonition, Jean Perrier, professeur à Paul Duez, fils d'un de vos prédécesseurs et comme vous, le succès excepté, candidat à la magistrature communale, a résumé vos propos mieux que je ne pourrais le faire. Pour ma première intervention c'était mal parti. Aussi, plutôt que de me lancer dans une pâle resucée, me suis-je résolu de vous dévoiler les pensées qui me sont venues en vous écoutant comme une sorte de vagabondage sur les sentiers que vous nous avez entrouverts.

Revenons, pour commencer, à ces six bons enfants dont le destin a évidemment basculé. On leur enseigne les Belles Lettres. Or, en 1270, nous n’en sommes qu’aux balbutiements de la littérature française et il ne peut s'agir que de belles lettres latines. Je me suis plu cependant à imaginer ces capets penchés sur le charmant motet que vient tout juste de composer Adam de la Halle[1] , (trouvère arrageois et ancien potache de Vaucelles.) :

Robin m'aime, Robin m'a.

Robin m'a demandé, si m'aura.

Robin m'acheta cotelle

De bonne, écarlate et belle

Souquenille et ceinturelle.

Vers 1764, la Compagnie de Jésus, qui dirige en France 150 établissements, est interdite. Je ne sais comment on prit la chose à Cambrai mais, cinq ans auparavant, Frédéric II de Prusse emploie, dans une correspondance avec Voltaire, l'expression « infâme » pour qualifier la superstition. L'auteur du « Dictionnaire philosophique » reprendra le mot, mais l'infamie ne désigne plus la superstition mais, dans un premier temps, la religion catholique qu'il convient d'écraser de préférence aux autres religions ; puis les jésuites qu'il faut pourfendre de préférence aux autres ecclésiastiques. Je gage ainsi que Voltaire, jadis hôte de Cambrai, a dû se réjouir d'une telle décision, rassurez vous, les jésuites, s'en sont sortis. L'un d'entre eux, originaire d'Amérique du Sud, a succédé à Benoît XVI sur le trône pontifical et les médias, depuis quelques semaines, se plaisent à dévoiler que leur nouvelle coqueluche politique, n'est pas seulement issue d'une banque prestigieuse mais de la Providence d'Amiens.

Le lycée Paul Duez (2/2)

La Révolution va perturber l'enseignement. A Cambrai, la plupart des professeurs refusent le serment constitutionnel. Le collège de la rue des écoles, vendu comme bien national, devient le siège du tribunal révolutionnaire. On oublie pourtant que l'éducation nationale va profiter alors d'un vaste programme de redressement qui atteindra son apogée après le Consulat.

On accorde, désormais, autant d'importance à enseigner les sciences que les lettres. On porte un effort nouveau sur les langues étrangères, l'histoire naturelle et le dessin. On sort de l'oubli les Athénées, (ces temples d'Athéna où se disputaient des concours de poésie) les Lycées, (ces gymnases où enseignait Aristote) les musées (ces lieux destinés à l'étude des beaux arts) et on assiste au foisonnement de sociétés de tous ordres dont celles d'émulation. Une exception pourtant et d'importance : les filles
sont totalement oubliées.

En 1823, la ville achète l'abbaye de Cantimpré et le collège s'y installe. Monsieur Lefebvre en est le premier principal laïc en 1831. Il sera admis à la Société d’Émulation de Cambrai, en 1847. Vingt ans plus tard, un de nos anciens, Henri Feneule, tient une officine à Cambrai. C'est un chimiste éminent. Complètement désemparé par la mort de sa fille, il vend sa pharmacie et se lance dans l'industrie. Après 1848 et la crise qui s'ensuit, ses difficultés financières s'accumulent. Son frère lui vient en aide et meurt en lui transmettant ses biens. Il gère alors ce patrimoine et, à sa mort, son fils lègue au collège son cabinet de physique. Bien d'autres membres ont été des bienfaiteurs ou des mécènes. Ainsi, ceux qui ont transmis tout ou partie de leurs archives. Dans quelques lustres, je gage même qu'un futur secrétaire se félicitera de la transmission au patrimoine de Cambrai d'un aéronef ayant appartenu à notre illustre concitoyen Louis Blériot.

En 1921 le collège compte plus d'élèves qu'en 1914. Le soucis de ses dirigeants successifs sera alors de pousser les murs et de multiplier les étages pour faire place à un afflux constant des élèves et des disciplines mais pourquoi les urbanistes de l'époque se sont-ils appliqués à construire de si précieux bâtiments au voisinage des gares, les exposant ainsi aux dommages collatéraux des guerres modernes. Ce fut le cas pour Paul Duez à Cambrai, pour H. Wallon à Valenciennes et pour Saint-Jean à Douai. C'est ainsi que le Père Dussart et moi avons été instruits dans des baraquements provisoires et très inconfortables.

Il y avait heureusement, Madame la Proviseur, un aspect de votre intervention que Jean Perrier ne pouvait prévoir. La discussion qui suivit vous permit d'aborder, pêle-mêle, les arcanes logistiques du baccalauréat, l'enseignement du latin et du grec et les liasses bilingues et européennes. Vous vous dîtes satisfaite de l'harmonie qui règne entre établissements publics et privés sous contrat. Un seul regret ? L'absence de classes préparatoires. Je crois que si une possibilité s'offre de pallier ce manque, tous vos successeurs s'engouffreront résolument dans la brèche. Ainsi le lycée Paul Duez pourra inscrire sur son fronton la même devise que celle du collège de France en 1530 : « Omnia docet » : Il enseigne tout.


[1] Adam de la Halle (dit Adam d'Arras ou le Bossu d'Arras) est un trouvère de langue picarde actif au XIIIe siècle, mort probablement en 1288 (ou un peu avant) à la cour du comte d'Artois à Naples.

Page mise à jour le 27/12/2020 à 9h49

 

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